mardi 6 novembre 2007

Présence, absence

On peut avoir souffert de son absence ou étouffé en raison de sa présence.

On peut avoir envie de s'appuyer sur son épaule ou de fuir son regard.

On peut vouloir connaître son avis ou faire fi de son opinion.

On peut l'admirer ou le craindre.

On peut garder de lui de merveilleux souvenirs ou avoir décidé d'oublier jusqu'à son prénom.

On peut lui en vouloir de ne pas être biologique ou reconnaissant d'être adoptif.

On peut l'avoir côtoyé sans le connaître vraiment, on peut l'aimer sans l'avoir croisé.

On peut penser à lui au passé, on peut l'envisager au futur.

On peut lui dire "tu" ou le vouvoyer.

Sa main peut être le symbole du soutien ou de coups.
Sa main peut être tendresse ou sévérité.
Sa main peut avoir été synonyme de réussite ou signe d'échec.
Sa main peut avoir été comme une bouée ou un refus.

Un papa ne suscite jamais l'indifférence : entre amour et haine, notre coeur navigue. Complice ou inabordable, un papa laisse forcément son empreinte au fond de nous.

Un jour, alors que j'étais petite, j'ai lâché sa main dans un supermarché bondé : jusqu'à ce que je retrouve sa chaleur, j'ai eu très peur. Quelques années plus tard, c'est la vie qui l'a lâché et jamais, je n'aurais alors imaginé qu'aujourd'hui encore, presque deux décennies plus tard, cette main me manquerait toujours autant.

Et vous, quel homme a été votre père ?

21 commentaires:

  1. Comme il est joli ce billet !
    Les bras d'un père ou d'une mère ne se remplacent pas, on les cherche ailleurs, mais jamais on ne retrouve cette chaleur...
    bises nath

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  2. Très beau... dès les deux premières phrases je savais que tu parlais du père... quand je me suis installée seule, mon père m'appelait quasiment tous les jours juste pour dire bonjour! il n'a arrêté que très récemment quand j'ai eu un bébé! et encore, on s'appelle souvent même s'il n'y a rien d'important, parfois ça dure à peine 30 secondes et il est souvent la première personne que j'appelle quand j'ai une question dont je ne connais pas la réponse!

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  3. Présent, absent, et lâche. Mais c'est mon père, je pardonne, parce qu'il ne changera plus. Il est taiseux, mystérieux et décoder ses propres blessures relève du parcours de l'enquêteur, mais, à défaut de tout savoir, j'essaie de comprendre le peu que je sais.

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  4. "On peut lui en vouloir de ne pas être biologique, ou reconnaissant d'être adoptif."

    Je pourrais lui en vouloir de ne pas avoir été adoptif, juste biologique. Et je lui en ai voulu. Jusqu'au jour de LA rencontre, j'avais alors un peu plus de 30 ans.

    Bien qu'il parut content de retrouver une fille, de rencontre n'y en eut qu'une, je n'en voulus point d'autre. Depuis ce jour je suis reconnaissante à la vie de ce qu'il ne fut pas adoptif, juste biologique.

    Un frère du même géniteur, un frère que j'avais perdu de vue car il fut adopté ailleurs, ce frère comme moi en mal d'origine, fit à mon insu la même démarche, une même unique rencontre, environ à la même époque.

    Quelques années plus tard ce géniteur qui ne fut jamais père, disparut du bottin de téléphone. Intriguée je partis aux nouvelles me baladant dans le village. Un jeune postier convoqua son vieux père qui savait tout sur tout le monde. Et le vieux père savait...

    Le géniteur qui n'avait jamais su/pu être père, et que les fruits de ses amours reniaient à leur tour, ce géniteur s'était jeté sous le direct Lausanne-Yverdon. Et je trouvai son nom - ce nom que je n'avais jamais porté - sur une pierre tombale du petit cimetière de Mathod. Il y est toujours je pense. Je n'y suis jamais retournée.

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  5. Oui j'imagine à quel point il peut te manquer....

    Le mien m'a laché la main pendant plusieurs années, et il est revenu... mais j'ai eu du mal à lui reprendre.. avec cette crainte qu'il ne la lache à jamais.

    Je te fais mille bises, en espérant que ce manque n'est pas trop lourd à porter.

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  6. moi il est absent.
    ne m'a jamais pris la main.
    ne l'a jamais regardée non plus.
    et je n'ai pas envie de la tendre.
    surtout pas maintenant.
    trop tard.
    tant pis pour lui!
    tant mieux pour moi :)

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  7. Un jour, il y a bien longtemps, j'étais encore un adolescent. Mon père a tenté de me masturber pour me voir en érection. La sienne ne faisait aucun doute. Mon père est mort depuis mais le souvenir de ce soir-là ne m'a jamais quitté.

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  8. J'ai de la chance : le mien il "est".
    Avec des défauts, d'ailleurs j'ai un peu les siens...et des qualités, idem.
    tchouthou

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  9. Moi, je suis toujours admiratif devant les pères capables de grimper sur un tabouret sans avoir le vertige. Au bout du compte, je me demande si elle n'est pas là, la raison profonde de mon absence d'enfant : j'aurais été infoutu d'aller accrocher l'étoile au sommet du sapin.

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  10. que dire... il était pendant longtemps mon petit papa chéri et puis les années ont passées, j'ai fait ma vie et j'ai vraiment réalisé qui il est. Très autoritaire sous ces aires de gentil monsieur, peu de reconnaissance, peu d'écoute... finalement il m'a apporté son intelligence, son esprit critique, mais heureusement que ma mère était là pour la tendresse, l'amour, etc.

    Merci pour vos témoignages sincères, je suis touchée.

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  11. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  12. Il est surprenant d'avoir à constater que
    "(je) peux l'avoir côtoyé sans le connaître vraiment, (je) peux l'aimer sans l'avoir croisé"
    et que plus de 20 ans après sa disparition, je le sens tellement vivant en moi, au point de ressentir parfois qu'il réagirait comme je réagis, d'avoir la conviction de penser comme il aurait pensé.

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  13. Il est très beau ce billet.
    Je voudrai pouvoir écrire quelque chose de similaire.
    Je voudrai pouvoir admirer mon père, en être fière.
    Ca m'est totalement impossible aujourd'hui et cela généère à la fois une souffrance et un manque.
    Pourtant, il me semble lui avoir pardonné, symboliquement aussi e l'avoir tué...

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  14. Natpointg, ces premiers bras, ne sont-ils pas ceux qui vont nous influencer toute une vie ?

    Carole, n'est-ce pas aussi ce lien, pour dire des choses sans importance, qui fait que la relation est là, que la proximité est vécue même dans les choses simples du quotidien ?

    Mémère Cendrillon, je me suis toujours demandée si le fait de devenir parent à son tour modifie le regard qu'on porte sur ses propres parents. J'espère que tu parviens à comprendre, un peu...

    Sugus, je trouve que tu as eu beaucoup de courage et de force, pour oser la rencontre, pour n'en provoquer qu'une seule... Et je suis désolée que ce qu'il reste de cet homme soit uniquement une croix...

    Khalam, je n'ose imaginer la crainte que suscite une main tendue alors qu'elle a déjà une fois été retirée... Chez moi, le manque est comme une vague, il vient et repart, au gré de ma vie.... La plupart du temps, je "compose avec".

    Speedy80, n'est-il pas terrible, ce constat que c'est trop tard ?

    Anonyme, tes lignes me touchent et me peinent : qu'il doit être lourd à porter, le souvenir de ce jour ! Y a-t-il plus douloureuse trahison que celle de se voir voler son innocence d'enfant par un parent ?

    Tchoutchou, alors ton père, il doit être vraiment chouette : tu l'es et comme tu es à son image...

    Didier Goux, il faut croire que cet homme était "destiné" à être père : je n'étais pas encore née lorsqu'il a grimpé sur cette chaise !

    Sylphide, même si la capacité à raisonner, le savoir sont des valeurs importantes, elles ne sont de toute évidence pas aussi précieuses que la tendresse... Peut-être faut-il être heureuse de la complémentarité de ses parents dans certains cas ?

    Franklin, n'est-ce pas là un bien précieux que celui de sentir qu'on relève d'une lignée, qu'on a en soi des racines, un peu de son père ?

    Cloudy, pour "devoir" pardonner, c'est qu'il y a eu des souffrances; pour en arriver à tuer symboliquement, c'est qu'il y a eu encore bien plus... Je pense bien à toi !

    Merci pour vos lignes, une fois de plus !

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  15. @ Madame Poppins: "Franklin, n'est-ce pas là un bien précieux que celui de sentir qu'on relève d'une lignée, qu'on a en soi des racines, un peu de son père ?"
    Merci de l'avoir compris.

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  16. J'ai d'abord connu le père puis j'ai découvert l'homme. Suffisamment tard pour ne pas en être bouleversé. Au final mon père est un type bien, j'espère lui ressemblé un jour.

    Sur ce sujet j'ai beaucoup apprécié une bd : le combat ordinaire de Manu Larcenet. Oui je sais une bd ça fait adolescent attardé mais bon. Ce n'est pas un tintin, c'est de la grande bd.

    Mon père n'aime pas la bd.

    Bonne soirée
    Nouwanda

    Ps : si vous souhaitez lire cette bd, ne vous arrêtez pas au premier tome, ce n'est pas le plus profond mais c’est déjà une bonne bd.

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  17. Gentil puis absent.
    Bidule

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  18. A lire plusieurs posts ici, j’ai eu la chance d’avoir un père normal, donc avec des qualités et des défauts (et j’en dirai autant pour ma mère). Ils m’ont permis de devenir un père normal, donc avec des qualités et des défauts. Et j’ai atteint l’âge où ce sont mes enfants qui me l’apprennent : avant je n’en étais pas sûr.

    Sugus, savez-vous pourquoi vous ne regrettez pas que ce père n’ait été que biologique, savez-vous s’il y a un lien entre les abandons de ses enfants et son abandon sous un train ? Les réponses ne nous regardent pas, bien sûr.

    Speedy80, qui dites « tant mieux pour moi » à l’absence de votre père. Je crois (et ça n’engage que moi) que nous avons besoin de nos parents comme ils sont, un besoin qui change selon notre âge et le leur. Nous ne pouvons pas, même avec de bonnes raisons, les jeter dans un trou noir qui nous engouffrerait aussi. C’est ce que j’essaie de dire à mon fils, qui voudrait y jeter sa mère.

    Anonyme de 12:08:00, ce genre de choses peut se pardonner si pardon est demandé. Un ami proche a agi ainsi avec son fils, et ce fils fait maintenant tout pour lui assurer une vieillesse paisible. La haine pourrit, le pardon nourrit.


    Madame Poppins, vous avez écrit pour les enfants en manque de leur père. Moi je pense aux parents qui manquent de leur enfant (notamment parce que c’est le cas d’un de mes frères et de Madame Tannay). C’est une non-vie que je ne souhaite pas à mon pire ennemi.

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  19. Quand il était encore là, je n'avais pas peur, j'avais toujours un refuge. Maintenant il me manque, je ne suis plus l'enfant de personne.

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  20. Je lui parle je lui raconte ma journée il est dans la même pièce que moi puis la quitte alors que je n'ai pas finis...
    Plus tard j'ai compris que c'était pas contre moi mais une maladie... Je commence à pardonner depuis deux ans mais il y a des choses qui sont difficile à accepter même quand on ne peut pas douter de l'amour et de l'admiration de quelqu'un.
    Merci pour ce billet Mme Poppins, écrire me fait le plus grand bien.

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